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sous les branches l’avait soulevé de dégoût et révolté jusqu’à l’âme.

La douce influence de la nuit l’envahissait peu à peu. Il tourna son visage du côté du vent, qui avait passé sur la mer, et semblait traîner vers l’Égypte l’odeur des roses d’Amathonte.


De belles formes féminines s’ébauchaient dans sa pensée. On lui avait demandé, pour le jardin de la déesse, un groupe des trois Charites enlacées ; mais sa jeunesse répugnait à copier les conventions, et il rêvait d’unir sur un même bloc de marbre les trois mouvements gracieux de la femme : deux des Charites seraient vêtues, l’une tenant un éventail et fermant à demi les paupières au souffle des plumes bercées ; l’autre dansant dans les plis de sa robe. La troisième serait nue, derrière ses sœurs, et de ses bras levés tordrait sur sa nuque la masse épaisse de ses cheveux.

Il engendrait dans son esprit bien d’autres projets encore, comme d’attacher aux roches du Phare une Andromède de marbre noir devant le monstre houleux de la mer, d’enfermer l’agora de Brouchion entre les quatre chevaux du soleil levant, comme par des Pégases irrités, et de quelle ivresse n’exultait-il pas à l’idée qui naissait en lui d’un Zagreus épouvanté devant l’approche des Titans. Ah ! comme il était repris par