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Le pâle Erôs qui aime le goût des larmes
  La baisait au vol, joue à joue ;
Et l’ombre frêle de la vierge noyée
  À frémi, roseaux, sur les eaux ;
Mais Erôs possède le monde et les dieux,
  Il possède même la mort.
Sur la tombe aquatique il cueillit pour nous
  Tous les joncs, et d’eux fit la flûte…
C’est une âme morte qui pleure ici, femmes,
  Le Désir douloureux et doux.


Tandis que les flûtes continuaient le chant lent du dernier vers, la chanteuse tendit la main aux passants qui faisaient cercle autour d’elle, et recueillit quatre oboles qu’elle glissa dans sa chaussure.


Peu à peu, la foule s’écoulait, innombrable, curieuse d’elle-même et se regardant passer. Le bruit des pas et des voix couvrait même le bruit de la mer. Des matelots tiraient, l’épaule courbée, des embarcations sur le quai. Des vendeuses de fruits passaient, leur corbeille pleine dans les bras. Des mendiants quêtaient d’une main tremblante. Des ânes chargés d’autres emplies trottaient devant le bâton des âniers. Mais c’était l’heure du coucher du soleil et, plus nombreuse que la foule active, la foule désœuvrée couvrait