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que vous voulez, dès que les seins vous poussent, ce n’est pas aimer ni être aimée, c’est lier un homme à vos chevilles, l’abaisser, lui ployer la tête et mettre vos sandales dessus. Alors vous pouvez, selon votre ambition, nous arracher l’épée, le ciseau ou le compas, briser tout ce qui vous dépasse, émasculer tout ce qui vous fait peur, prendre Héraclès par les naseaux et lui faire filer la laine ! Mais quand vous n’avez pu fléchir ni son front ni son caractère, vous adorez le poing qui vous bat, le genou qui vous terrasse, la bouche même qui vous insulte ! L’homme qui a refusé de baiser vos pieds nus, s’il vous viole, comble vos désirs. Celui qui n’a pas pleuré quand vous quittiez sa maison peut vous y traîner par les cheveux : votre amour renaîtra de vos larmes, car une seule chose vous console de ne pas imposer l’esclavage, femmes amoureuses ! c’est de le subir.


— Ah ! bats-moi, si tu veux ! mais aime-moi après ! »

Et elle l’étreignit si brusquement qu’il n’eut pas le temps d’écarter ses lèvres. Il se dégagea des deux bras à la fois :

« Je te déteste. Adieu, » dit-il.

Mais Chrysis s’accrocha à son manteau.

« Ne mens pas. Tu m’adores. Tu as l’âme toute pleine de moi ; mais tu as honte d’avoir cédé.