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plus compte, et sanglotèrent assises, la tête dans leur robe.


Une superstition ancienne voulait que deux événements semblables fussent suivis d’un troisième plus grave. La foule attendait celui-là. Après le miroir et le peigne, qu’avait pris le mystérieux larron ? Une atmosphère étouffante, enflammée par le vent du sud et pleine de sable en poussière, pesait sur la foule immobile.

Insensiblement, comme si cette masse humaine eût été un seul être, elle fut prise d’un frisson qui s’accrut par degrés jusqu’à la terreur panique et tous les yeux se fixèrent vers un même point de l’horizon.


C’était à l’extrémité lointaine de la grande avenue rectiligne qui de la porte de Canope traversait Alexandrie et menait du Temple à l’Agora. Là, au plus haut point de la côte douce, où la voie s’ouvrait sur le ciel, une seconde multitude effarée venait d’apparaître et courait en descendant vers la première.


« Les courtisanes ! les courtisanes sacrées ! »


Personne ne bougea. On n’osait pas aller à leur rencontre, de peur d’apprendre un nouveau désastre. Elles arrivaient comme une inondation