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L’endroit où ils étaient parvenus se trouvait fort éloigné des régions où les courtisanes remplissaient à l’ordinaire leur religieuse profession. Pourquoi choisissaient-elles d’autres rendez-vous que celui-ci, admirable entre tous, elles n’auraient su le dire. Les bois où se mêle la foule connaissent vite leur allée centrale et constituent une fois pour toutes leurs réseaux de sentiers, d’étoiles et de carrefours. Aux alentours, et quels que soient le charme ou la beauté des sites, il se fait un vide éternel où dominent en paix les végétations.

Mikyllos et Melitta arrivèrent ainsi la main dans la main à la limite du bois public, à la courte haie d’aloès qui dessinait une démarcation inutile entre les jardins d’Aphrodite et les jardins de son grand-prêtre.

Encouragés par le silence, par la solitude de ce désert fleuri, tous deux franchirent sans peine la muraille irrégulière des plantes grasses et biscornues. À leurs pieds, la mer Méditerranée battait doucement le rivage, y par petits flots légers comme les franges d’un fleuve. Les deux enfants s’y plongèrent jusqu’à la moitié du corps et se poursuivirent en riant pour essayer dans l’eau des unions difficiles qu’ils interrompaient vite comme des jeux mal connus. Puis lumineux et ruisselants, secouant au clair de lune leurs jambes de grenouilles, ils sautèrent sur la berge obscure.