Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/24

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Car l’amour est un art, comme la musique. Il donne des émotions du même ordre, aussi délicates, aussi vibrantes, parfois peut-être plus intenses ; et Chrysis, qui en connaissait tous les rythmes et toutes les subtilités, s’estimait, avec raison, plus grande artiste que Plango elle-même, qui était pourtant musicienne du temple.

Sept ans elle vécut ainsi, sans rêver une vie plus heureuse ni plus diverse que la sienne. Mais peu avant sa vingtième année, quand de jeune fille elle devint femme et vit s’effiler sous les seins le premier pli charmant de la maturité qui va naître, il lui vint tout à coup des ambitions.

Et un matin, comme elle se réveillait deux heures après le milieu du jour, toute lasse d’avoir trop dormi, elle se retourna sur la poitrine à travers son lit, écarta les pieds, mit sa joue dans sa main, et avec une longue épingle d’or perça de petits trous symétriques son oreiller de lin vert.


Elle réfléchissait profondément.

Ce furent d’abord quatre petits points qui faisaient un carré, et un point au milieu. Puis quatre autres points pour faire un carré plus grand. Puis elle essaya de faire un cercle… Mais c’était un peu difficile. Alors, elle piqua des points au hasard et commença à crier :

« Djala ! Djala ! »

Djala, c’était son esclave hindoue qui s’appelait