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lait, comme il est dit dans l’Écriture, mais une eau vivante, mobile, enchantée. Et cette langue elle-même, multiforme, qui se creuse et qui s’enroule, qui se retire et qui s’étire, plus caressante que la main, plus expressive que les yeux, fleur qui s’arrondit en pistil ou s’amincit en pétale, chair qui se raidit pour frémir ou s’amollit pour lécher. Chrysis l’anime de toute sa tendresse et de sa fantaisie passionnée… Puis ce sont des caresses qu’elle prolonge et qui tournent. Le bout de ses doigts suffit à étreindre dans un réseau de crampes frissonnantes qui s’éveillent le long des côtes et ne s’évanouissent pas tout entières. Elle n’est heureuse, a-t-elle dit, que secouée par le désir ou énervée par l’épuisement ; la transition l’effraie comme une souffrance. Dès que son amant l’y incite, elle l’écarte de ses bras tendus ; ses genoux se serrent, ses lèvres deviennent suppliantes. Démétrios l’y contraint par la force.

… Aucun spectacle de la nature, ni les flammes occidentales, ni la tempête dans les palmiers, ni la foudre, ni le mirage, ni les grands soulèvements des eaux ne semblent dignes d’étonnement à ceux qui ont vu dans leurs bras la transfiguration de la femme. Chrysis devient prodigieuse. Tour à tour cambrée ou retombante, un coude relevé sur les coussins, elle saisit le coin d’un oreiller, s’y cramponne comme une moribonde et suffoque, la tête en arrière. Ses yeux éclairés de