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ma chérie… Tu as un amant… et tu le gardes ?

— J’ai ma façon de le garder.

— Qui te l’a apprise ?

— Oh ! moi seule. On sait cela d’instinct ou on ne le sait jamais. À six ans, je savais déjà comment je garderais mon amant plus tard.

— Et tu ne veux pas me le dire ?

— Suis-moi. »

Bérénice se leva lentement, mit une tunique et un manteau, aéra ses lourds cheveux collés par la sueur du lit, et ensemble toutes deux sortirent de la chambre.

D’abord la jeune fille traversa le vestibule et alla droit au lit qu’elle venait de quitter. Là, sous le matelas de byssos frais et sec, elle prit une clef ciselée à neuf. Puis, se retournant :

« Suis-moi. C’est loin, » dit-elle.

Au milieu du vestibule, elle monta un escalier, suivit une longue colonnade, ouvrit des portes, marcha sur les tapis, les dalles, le marbre pâle et vingt mosaïques de vingt salles vides et silencieuses. Elle redescendit un escalier de pierre, franchit des seuils obscurs, des portes retentissantes. De place en place il y avait sur des nattes deux gardes endormis, leurs lances à la main. Longtemps après, elle traversa une cour illuminée par la pleine lune, et l’ombre d’un palmier lui caressa la hanche. Bérénice suivait toujours, enveloppée dans son manteau bleu.