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— Tu as raison, dit Chrysis. Ne te fais pas déformer la taille. J’ai vu hier Philémation, notre petite amie d’autrefois, qui vit depuis trois ans à Boubaste avec un marchand de grains. Sais-tu ce qu’elle m’a dit ? La première chose ? « Ah ! si tu voyais mes seins ! » Et elle avait les larmes aux yeux. Je lui ai dit qu’elle était toujours jolie, mais elle répétait : « Si tu voyais mes seins ? Ah ! ah ! si tu voyais mes seins ! » en pleurant comme une Byblis. Alors j’ai vu qu’elle avait presque envie de les montrer et je le lui ai demandé. Ma chère ! deux sacs vides. Et tu sais si elle les avait beaux. On ne voyait pas la pointe tant ils étaient blancs. N’abîme pas les tiens, ma Séso. Laisse-les jeunes et droits comme ils sont. Les deux seins d’une courtisane valent plus cher que son collier. »


Tout en parlant ainsi, les deux femmes s’habillaient. Enfin, elles entrèrent ensemble dans la salle du festin, où Bacchis attendait debout, la taille serrée par les apodesmes et le cou chargé de colliers d’or qui s’étageaient jusqu’au menton.

« Ah ? chères belles, quelle bonne idée a eue Naucratès de vous réunir ce soir.

— Nous nous félicitons qu’il l’ait fait chez toi, répondit Chrysis sans paraître comprendre l’allusion. Et, pour dire immédiatement une méchanceté, elle ajouta :

« Comment va Doryclos ? »