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courtisane antique ; mais que le lecteur se rassure : elle ne se convertira pas.

Elle ne sera aimée ni par un moine, ni par un prophète, ni par un dieu. Dans la littérature actuelle, c’est une originalité.

Courtisane, elle le sera avec la franchise, l’ardeur et aussi la fierté de tout être humain qui a vocation et qui tient dans la société une place librement choisie ; elle aura l’ambition de s’élever au plus haut point, elle n’imaginera même pas que sa vie n’ait besoin d’excuse ou de mystère : ceci demande à être expliqué.

Jusqu’à ce jour, les écrivains modernes qui se sont adressés à un public moins prévenu que celui des jeunes filles et des jeunes normaliens ont usé d’un stratagème laborieux dont l’hypocrisie me déplaît : « J’ai peint la volupté telle qu’elle est, disent-ils, afin d’exalter la vertu. » En tête d’un roman dont l’intrigue se déroule à Alexandrie, je me refuse absolument à commettre cet anachronisme.

L’amour, avec toutes ses conséquences, était pour les Grecs le sentiment le plus vertueux et le plus fécond en grandeurs. Ils n’y attachèrent jamais les idées d’impudicité et d’immodestie que la tradition israélite a importées parmi nous avec la doctrine chrétienne. Hérodote (I, 10) nous dit très naturellement : « Chez quelques peuples barbares, c’est un opprobre que de paraître nu. » Quand les Grecs