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la vaste forêt peuplée de bêtes, quelques-unes divines. Il faisait dans ces halliers sombres des tueries miraculeuses.

Un soir, il revint en courant, trempé de sueur et taché de sang ; deux pieds de bouc sortaient de son carquois. Et dès qu’il eut aperçu Danaë, il cria :

« Bonne chasse, mère ! J’ai couru tout le jour dans les bois à la poursuite de ce petit satyre insolent qui s’était moqué avant-hier de ma lèvre nue et de mes jambes pâles. Je l’avais suivi à la trace dans la terre molle et sur les rochers égratignés par ses pattes ; je l’ai rencontré au bord de son antre. J’ai jeté mon arc dans les branches et nous avons lutté corps à corps. Il était vigoureux, mère, j’étouffais dans son étreinte. Mais j’ai empoigné tout mon paquet de flèches, et d’un seul coup je l’ai plongé dans son flanc maigre. Il a poussé un grand cri et s’est effondré sur l’herbe comme un sanglier blessé. Alors je lui ai coupé les deux pattes et je te les apporte en trophée ! »

Danaë frémit à l’impiété de l’enfant, et la vieille nourrice se voila les yeux, car elle voyait dans cet acte insensé le présage et l’avertissement d’un grand malheur à venir. Et en effet, ce fut le lendemain qu’arriva l’événement fatal.

De tous les jardins, de tous les palais, de toutes les richesses de Polydektès, Danaë avait la jouissance, hors un sentier, une porte, un caveau.