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retourna vivement avec un sourire involontaire.

La petite fugitive était devant ses pieds, nue comme la veille, un peu timide, mais rayonnante, et ne demandant qu’un geste de lui, pour se jeter dans ses bras et pleurer de joie.

« Toi ! te voilà enfin, dit-elle. Je ne savais pas par où tu passerais. Je ne savais pas même si tu remontais le Nil. Mais j’étais sûre que je te reverrais. Je suis venue ici, j’ai attendu. J’ai bien deviné que tu fuirais le soleil de la route et que tu prendrais par les bois. Oh ! que je suis contente ! Il me semble qu’il y a trois jours que je t’attends… Je ne sais plus… Ce qui m’est arrivé est si extraordinaire… »

Et elle ajouta plus tristement :

« Tu es resté bien longtemps près d’elle. »

Biôn se tenait immobile et la regardait avec quelque gêne.

« Mais, ma petite enfant, qu’est-ce que tu viens faire ici ?

— Comment ? s’écria-t-elle. Je viens pour te suivre, pour rester avec toi toujours, toujours…

— Tu viens pour me suivre, et hier quand ton père t’a donnée à moi tu t’es sauvée comme une chèvre folle ? Je ne te plaisais pas hier soir et je te plais ce matin, sans raison ? Tu as des caprices singuliers. »

La pauvre fille se tut, puis fondit brusquement en larmes et appuya le long d’un arbre son petit corps nu secoué de sanglots.