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sa poitrine, ses coudes et ses genoux tout à fait azurés. Ses lèvres brillaient de la couleur de ses yeux, qui étaient bleus comme l’eau profonde. Quant à ses cheveux en liberté, ils étaient sombres et bleus autant que le ciel nocturne et vivaient le long de ses bras, si bien qu’elle paraissait ailée.

Elle n’aimait que l’eau et la nuit.

Son plaisir était de marcher sur les spongieuses prairies des rives, où l’on sentait l’eau sans la voir, et ses pieds nus avaient des frissons de bonheur à se mouiller obscurément.

Car elle ne se baignait pas dans la rivière, de peur des jalouses naïades, et d’ailleurs elle n’eût pas voulu se livrer à l’eau tout entière. Mais qu’elle aimait se mouiller ! Elle mêlait au courant rapide l’extrême boucle de sa chevelure et la collait sur sa peau pâle avec des dessins lentement recourbés. Ou bien elle prenait dans le creux de sa main un peu de la fraîcheur du fleuve qu’elle faisait couler entre ses jeunes seins jusqu’au pli de ses jambes rondes où il se perdait. Ou encore elle se couchait en avant sur la mousse trempée pour boire doucement à la surface de l’eau, comme une biche silencieuse.

Telle était sa vie, et de penser aux satyres. Il en venait quelquefois par surprise, mais qui s’enfuyaient effrayés, car ils la prenaient pour Phœbé, sévère à ceux qui la voient nue. Elle aurait voulu leur parler, s’ils se fussent arrêtés près d’elle. Le