Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 13.djvu/38

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je l’ai sculpté dans un tronc d’ivoire


Je l’ai sculpté dans un tronc d’ivoire,
Le corps féminin, lunaire et froid,
Au plus obscur de la crypte noire,
    Affolé d’effroi.

Je l’ai taillé sous l’éclat d’un cierge,
À coups de couteau, la tête en feu,
Fou du bonheur de créer la Vierge,
    D’accoucher de Dieu.

Je l’ai creusé, torturé, fait vivre :
Ô maternité ! je l’ai conçu ;
Et j’ai passé mes doigts autour, ivre
    Du rêve aperçu.

Je l’ai dressé en pleine lumière
Forme d’Aonun, corps de héros,
Sur un haut bloc, piédestal de pierre,
    Jusqu’aux clairs vitraux.