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Je touche en me haussant les ailes des ténèbres.
Par quel matin d’hiver crierai-je que j’ai froid ?

Aurore qui grandit, crépuscule qui tombe.
Sur mon être au linceul, déjà presque enterré,
Les orgues rugiront du ciel : Dies Iræ !
Et les fleurs de mon lit me suivront sur la tombe.

Non ! Pas encor ! Ce soir nous exalte en sursaut.
Ferme sur toute moi, sur moi, ton bras qui tremble.
Nos deux corps, nos deux cœurs, nos deux bouches ensemble !
Ah ! je vis !… Tout est chaud ! Tout est chaud ! Tout est chaud !

Et le songe, qui meu

— Nul ne peut abolir que par un jour d’automne,
Moi qui t’étreins ici, je ne t’aie emporté
L’encens, la myrrhe et l’or de ta divinité,
Le beau sang d’Aphrodite et le sang de Latone.

Nul ne peut, lorsqu’Amour se fit chair, menacer
Ni verbe ni mutisme oublieux ou vivace.
Le rythme de deux cœurs frappe et marque la trace
De deux pas, sur le sol, sur le roc du passé.

Que la mort, désormais, de ses mains maternelles,
T’épargne les douleurs de tes lointains hivers :
Le Temps même ne peut faire mourir un vers
Au chérissant esprit que penchent tes prunelles.