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                                     II

Le désir n’est désir, mon fils, que s’il féconde
La forme du futur : telle Isis que tu veux.
Sculpte. Crée au marteau les merveilles du monde :
Le visage, l’œil pur, la bouche ou les cheveux.
Sens frémir le flanc d’ombre ou la chaleur du torse.
Écoute respirer les doigts évanouis.
Maître et cœur de ton cœur, fais foudre de ta force.
Le premier qui fut Dieu savait dire : « Je suis ».


                                    III

Choisis ce que tu hais comme ce qui t’embrasse.
N’étreins pas d’ennemis sans beauté. Reste fier.
Le Titan peut toucher du pied Dzeus qu’il terrasse.
Adore entre tes doigts le souvenir d’hier.
Puis, quand l’œuvre des jours surgit de leur silence,
Exalte alors le monstre obscur que tu poursuis ;
Fais rugir de ton vers le lion sur ta lance.
Le premier qui fut Dieu savait dire : « Je suis ».

Choisis ce que tu hais

Solitude à jamais. Et mystère. Sois l’Arbre
Sans nom. Mais pour ceux-là qui respectent les nuits,
Apparais tout vivant plus ferme que ton marbre.
Le premier qui fut Dieu savait dire : « Je suis ».