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L’AUBE DE LA LUNE



Regarde la naissance ardente de la lune,
Ô Stulcas ! c’est un cœur qui verse sur les eaux
Le sang d’une aube horrible et les subtils réseaux
Qui livrent la dryade à sa triste fortune.

Les ombres des palmiers s’éveillent, et chacune
Traîne deux fils de flamme à ses obscurs fuseaux,
Et les crins du centaure et l’aile des oiseaux
Se haussent, alourdis d’une pourpre importune.

Le bruit des palmes doux comme la pluie en mer
Tombe et coule sur les bras nus des nymphes. L’air
Tremble, invisible vol de fraîcheurs fantastiques.

Tout dort. Un crapaud rond plonge dans l’étang clair.
La corne du satyre hostile aux troncs antiques
Se détourne des bois et se heurte à la nuit.