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dans les autres villes. On ne vous voit même pas dans les champs. Vous ne seriez jamais venue ici, vous ne l’auriez jamais voulu si je ne vous avais pas dit que votre mari le défendait. Pourquoi vous ai-je dit cela ? Pourquoi ai-je parlé puisque vous ne demandiez rien ? Je suis sûre que cela retombera sur vous. Encore une fois, écoutez-moi, Danaé. Je sais pourquoi on vous défend ce que vous voulez faire aujourd’hui. Je ne peux pas vous le dire, mais je le sais. Il s’agit de votre bonheur à vous, je vous le jure par vos beaux cheveux que j’ai vu croître, par vos beaux yeux que j’ai tant de fois endormis, par votre belle bouche que j’ai nourrie quand vous étiez dans mes bras comme un petit Eros de cire. Danaé ! Danaé ! ne descendez pas cette marche, n’entrez pas dans cette cave, n’ouvrez pas les portes ici, ne regardez pas ce qu’il y a derrière les portes. C’est votre malheur qui est là, c’est la douleur de votre vie. Quand on connaît son malheur, il faut l’oublier. Quand on ne le connaît pas, il ne faut pas l’aller chercher. Danaé ! retournez-vous, éteignez votre lampe, remontez vers le jour, allez-vous-en d’ici, n’y revenez jamais, n’y pensez jamais, allez-vous-en, allez-vous-en !

danaé

L’huile s’est répandue sur mes mains. Elle est tombée sur mon pied nu. Je tremble. Vois-tu,