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Pour la résurrection de notre poësie, il a fallu qu’un poëte nous vînt de Constantinople, et de 1787 à 1794, implantât dans notre bonne terre, l’art toujours nouveau de l’antique Orient grec. André Chénier tout seul nous a sauvés, comme Boileau nous avait perdus.

Mais par quelles armes ce Nicolas Boileau avait-il eu la puissance de détruire, pour cent quarante-quatre ans, notre poësie ?

Par le truisme et l’ineptie : l’un cachant l’autre.



Truismes et inepties : c’est tout l’Art Poétique de Nicolas Boileau. Lisons-le ensemble :


C’est en vain qu’au Parnasse un téméraire auteur
Pense de l’Art des Vers atteindre la hauteur,
S’il ne sent point du Ciel l’influence secrète,
Si son astre en naissant ne l’a formé poëte


Connaissez-vous rien de plus bête qu’un pareil début ?

Qu’est-ce que cela veut dire ? Quel est le poëte qui ne sent pas du ciel l’influence secrète ?

Et quel critérium nous propose-t-on ? Il faut que « notre astre en naissant »[1] nous ait « formé poëte » ! (écrivait-il platement, cet animal-là !)

  1. J’ai horreur des hypallages qui ne servent à rien.