Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 12.djvu/37

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

PROSE ET VERS



Lamartine disait : « J’écris en vers quand je n’ai pas le temps d’écrire en prose. » On a cité le mot comme une boutade ; c’était avouer qu’on ne le comprenait pas ; Lamartine n’a jamais fait de boutades ; il suffit qu’un mot soit de lui pour qu’on le regarde comme sérieux. Assurément, la versification est un style facilité à l’usage de la jeunesse. Pour le commun des rimeurs c’est de la littérature sur rails ; l’auteur n’a pas à se préoccuper de sa direction ; le vers le conduit et l’excuse ; la responsabilité du poëme se partage inégalement entre la strophe et le poëte, au grand avantage de celui-ci.

La préexcellence de la prose ne serait pas contestable — même aux yeux de Lamartine — si la poësie française n’avait la qualité de mettre en valeur certaines délicatesses de diction qui sont