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Et pour comble, la phrase est absurde, car s’il se guide, ce vieux centaure, il n’est pas errant ; ou s’il est errant, il ne se guide pas.

Prenez même la plus belle ligne du morceau :

« Je bondissais partout comme une vie aveugle et déchaînée. »

Voilà enfin une phrase construite, parce que c’est du Chateaubriand tout pur et que c’est volé comme dans un bois. — Mais c’est mal volé. Une force aveugle bondit. Une vie aveugle reste immobile ; elle a la terreur du mouvement. Guérin a compris « aveugle » au figuré, mais il l’a écrit au propre, par la faute du mot précédent.

C’est un simple amateur de grand style, et qui ne sait pas se servir de son instrument. Quand on prend l’épée de Charlemagne il ne faut pas la tenir comme un pistolet.

Faux pour faux, j’aime mieux les trois premières pages d’« Alala ou l’Enfant du Désert » (1803). Lisez çà. Il y a là une description iroquoïdesque de la plaine de Vanves et de ses indigènes… Pas mal du tout.