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LA DUCHESSE D’ABRANTÈS
ET M. CORRIOL


Corriol était le droguiste de l’Abbaye au Bois.

Il tenait boutique, 2, rue de Sèvres (Croix-Rouge). C’était l’un des premiers pharmaciens de Paris.

Il fournissait d’opium les amies de Mme Récamier, et particulièrement Mme d’Abrantès.

On ne paraît pas savoir que Mme d’Abrantès était opium-eater et c’est pourtant le détail le plus important de sa biographie littéraire.

Les mangeurs d’opium qui appartiennent aux classes supérieures présentent certains caractères bien connus : — l’orgueil d’autrui, la générosité, le mépris des finances et le génie de l’imagination.

Grugée par les éditeurs et pillée par les huissiers, Mme d’Abrantès donne à Balzac le seul trésor qu’elle ait gardé ; les plus secrets de ses souvenirs (et ce ne sont pas toujours ceux de la Princesse de Cadignan). Elle lui abandonne tout ce qu’il veut lui prendre et jamais Balzac ne s’en rassasie. Harassé de travail il fait, du sommet de Paris jusqu’à Versailles, six lieues chaque fois où il a besoin d’elle, et six lieues pour revenir et parfois à pied, sous la pluie. De ces interrogatoires sans nombre