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frais. Aussi accepta-t-il gaîment de céder sa trouvaille pour cinq pesetas à l’instituteur du village, qui savait quelque peu de latin.

Peu de jours après, un voyageur, moitié touriste, moitié marchand, vit l’inscription, la déchiffra, et, après des pourparlers qui durèrent pendant plusieurs heures, il en devint propriétaire en échange d’une bonne somme : cent francs.

Je vous laisse à penser si le maître d’école se vanta de son bénéfice et plus encore de sa science. Pendant une semaine, il fut l’homme le plus respecté du canton. Les journaux de la ville s’occupèrent de lui. Et puis, ce fut à son tour de porter l’oreille un peu basse lorsque le bruit courut que son acheteur avait vendu la fameuse table vingt-sept mille francs au musée de Madrid.

À cette nouvelle, une émotion générale s’empara des villageois. C’était donc une table magique ? Une relique de la Sainte Vierge ? Non : c’était tout simplement le premier document connu sur les courses de taureaux en terre espagnole, un décret romain organisant des tauromachies à Italica. Le musée de Madrid n’avait pas voulu abandonner aux collectionneurs une inscription désormais célèbre sur l’origine antique du jeu national.

Je ne jurerais pas que tous les paysans comprirent quel intérêt trouvait l’État à posséder un pareil trésor, ni que l’un d’eux eût donné