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ments de police et des gardes municipaux chargés d’imposer une mode uniforme, et d’empêcher, par exemple, qu’en aucune circonstance, sur aucune scène, dans aucun pays de notre monde européen, les spectateurs pauvres du dernier amphithéâtre aient le droit de réclamer, pour leurs sous, au même titre qu’un drame de Shakespeare, de Wagner ou de Victor Hugo, un autre chef-d’œuvre qu’ils ne connaissent pas, et qui est pourtant digne, peut-être plus que tout autre, d’exalter le cœur humain : je veux dire un beau corps de femme.

Oui, on est arrivé à ce point, que si, en scène de l’Opéra, devant un public où il n’y a, je pense, ni enfants en bas âge, ni pasteurs genevois, on présentait à tous ce que tous connaissent, ce que tous recherchent, ce que tous adorent, une femme admirablement nue, la salle presque entière se lèverait et se sentirait insultée !

Et les plus ardents parmi ceux qu’une si belle indignation ferait bondir sur les fauteuils, on les connaît bien : ce sont les mêmes qui n’occupent leurs places qu’à l’heure du ballet, cherchent des analogies aux dessous de bras des danseuses et vont achever leur nuit au cercle en se racontant les uns aux autres des histoires de maisons de passe avec une brutalité de langage qui n’a même pas l’excuse d’être voluptueuse. En effet, quel intérêt trouveraient-ils à voir le scandale s’émous-