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des nouvelles, et voilà pourquoi la ville y afflue.

En un siècle où les journaux disposent d’une puissance formidable, le quartier où ils s’impriment est devenu sans autre effet le premier quartier de Paris.

Cinq heures. Les feuilles du soir paraissent. Les feuilles du lendemain se composent. La foule arrive. Elle lit et elle interroge. Ce que Paris saura le lendemain, le Boulevard le sait la veille. Il a cette force : le renseignement. Et dès qu’il tient un fait, il le juge. Il est à lui seul l’opinion publique pendant la soirée tout entière.

Tout ceux qui, par intérêt, par crainte ou par désir, sont anxieux de la nouvelle imminente et de l’opinion qui l’accueillera, ceux qui espèrent et ceux qui appréhendent, les confiants et les timorés, tous les curieux et les ardents appartiennent à ce trottoir gris où la manne des nouvelles se quémande, se donne ou s’échange, se vend et s’achète perpétuellement. Le Boulevard, c’est la Bourse des potins, — et de l’histoire.

Il a les privilèges de savoir d’abord, et de savoir mieux ; car tout se dit, si tout ne se publie pas. Pour lui, les initiales n’ont pas de mystères. Il sait qui est M. G…, M. N…, et Mme de X. Il connaît le nom et l’adresse du « haut personnage compromis », comme aussi de la « dame voilée ». Si les journaux suppriment les détails d’une affaire par prudence ou par pudeur, le Boulevard