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d’être vierge, elle est froide. Que peut-on bien lui reprocher, au nom de la pudeur même dont elle est le symbole ?

Presque rien, mais quelque chose. La Diane de Houdon fut écartée du Salon parce que l’académicien qui l’avait faite si pure s’était cru permis en un point… « une certaine liberté de détail » comme dit si bien Lady Dilke[1] en rapportant cette anecdote.

La hardiesse de l’innovation épouvanta. Les mœurs du dix-huitième siècle et le censeur qui parlait pour elles, opposèrent le respect du marbre aux déplorables exemples de sa petite sœur la terre cuite. On refusa le chef-d’œuvre.

Et après le scandale, savez-vous qui l’acheta, cette statue inexpressible ? L’histoire est assez bonne vraiment et sa morale obtient une moralité. — La Diane fut achetée par une femme. Mieux que par une femme, dirait M. Rostand : par une impératrice. Mieux que par une impératrice, eût dit Voltaire : par Catherine Il.

Le marbre original de Houdon est aujourd’hui exposé à Saint-Pétersbourg, au musée de l’Ermitage. Quant à nous, et par la faute d’une irréparable pruderie, il faut nous contenter de posséder au Louvre un mauvais moulage en bronze d’une

  1. Lady Dilke. French architecte an d sculptors of the XVIIIth Century. 1 vol. gr. in-8o. London, 1900, p.131.