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La Danseuse. — Vous savez donc l’anglais mieux que le grec ?

Moi. — C’est méchant ce que vous dites là et ce n’est pas juste. Sans doute, Mme D. danse un peu en anglais, comme d’autres en français ou en italien ; mais elle danse surtout en grec, et c’est ce dont vous ne douteriez pas si vous saviez le grec mieux que l’anglais.

La Danseuse. — Oh ! moi, on ne m’a guère appris à danser en littérature, je vous l’ai déjà dit. Et voilà justement le pire défaut que je trouve à vos danses de caractère, c’est qu’elles sont nationales et que vous les aimez surtout en raison de leur exotisme. Vous n’aimez point les danses françaises parce qu’elles parlent notre langage et n’ont pas de mystère pour vous ; mais comme vous ne savez pas le russe, je suis sûre que vous délirez devant Mme Rubinstein. Ne dites pas non.

Moi. — Je ne dis pas non. Mais que me parlez-vous de Russie à propos de Mme R. ? Elle n’a jamais dansé qu’en français.

La Danseuse. — Ah ! vraiment ?

Moi. — Mme R. ? c’est la petite-fille spirituelle de Théophile Gautier, c’est la digne élève de Flaubert, c’est toute l’antiquité vue à la française. Et vous voyez combien votre opinion est imprudemment hasardée, puisque le jour où on présente enfin une élève nourrie de notre