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une preuve écrite et formelle qui est bien souvent gênante, et pour des raisons qui ne touchent point aux questions d’honneur. Certains Capulets aimeraient assez leur fille pour consentir à sa joie, s’il ne fallait ensuite avouer à tout Vérone qu’ils ont fait alliance avec la famille ennemie. La question qui leur est posée n’est pas : — « Autorisez-vous votre fille à se marier selon son goût ? » — mais, aux yeux de tout le monde, celle-ci : — « Vous, Monsieur A…, député bonapartiste, prenez-vous pour gendre M. B…, fils d’un préfet du 4 Septembre ? » — Tel qui répondrait oui à la première question, répondra non à la seconde, et la loi qui la pose lui dicte son refus.


En 1792, le jurisconsulte Muraire, qui mourut plus tard premier président de cassation, écrivait :

« Les droits du père ont leurs limites… Disons-le, Messieurs, trop souvent les pères ne consultent que l’ambition dans le consentement qu’ils donnent au mariage de leurs enfants ou dans l’empêchement qu’ils y mettent. Si vous voulez que les mariages soient heureux, laissez la liberté du choix. Ainsi, en facilitant les mariages, vous les multiplierez, et vous ferez le bien de la société. En livrant l’homme plus tôt à lui-même, vous hâterez les progrès de sa raison.

Depuis un siècle, et davantage, ces paroles ne sont pas entendues. Il faut, je le crois, désespérer