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une femme divorcée ; si son chef avait rédigé un rapport défavorable, on aurait contraint le malheureux à donner sa démission, à briser sa carrière, plutôt que de lui laisser prendre la femme de son choix. Mais le hasard veut que le rapport ne conclue pas au rejet de la demande, et, du jour au lendemain, il faut que toutes les maisons s’ouvrent. Les femmes des officiers sont en service commandé quand elles font des parties de tennis sur la pelouse de leur jardin.

Pour les seconds mariages comme pour les premiers, l’État ne semble préoccupé que d’interdire l’union partout où il le peut. Il trouve bon que les maris prennent des dispositions testamentaires en vue de déshériter leurs femmes le jour de leurs secondes noces. Bien plus : il donne l’exemple, en privant de tout secours si elles se marient, les veuves qui obtiennent un bureau de tabac. Il défend à la femme adultère d’épouser jamais son complice, c’est-à dire de fonder enfin une famille féconde et saine, avec le seul homme qu’elle aime, avec le père de ses enfants.

Ceci exposé sommairement, et d’ailleurs connu de tout le monde, nous pouvons donc répondre à l’État qu’il est mal venu à reporter ses propres fautes sur la conscience des citoyens. En frappant d’un petit impôt les célibataires âgés de plus de trente ans, le Parlement voterait une loi dérisoire et inefficace que certains trouvent même injuste,