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nourriture que nécessitera son nouveau foyer, et dites de quel côté descend la balance que M. Piot tient suspendue à son doigt sénatorial.

La nature a donné des charges écrasantes aux familles nombreuses, et l’État vient encore accabler ceux qui fléchissent déjà dans l’appréhension des misères futures.

Majorité tardive, opposition des parents, refus d’autoriser venant de l’administration ou des supérieurs militaires, nombre des démarches, importance des frais, longs délais, péremption des pièces, — quoi encore ? les lois et les règlements amoncellent leurs barricades sur toutes les routes qui mènent à l’union civile. La forteresse du mariage est une place qu’il faut emporter contre tous. Avant d’obtenir la permission d’être utile à son pays en fondant une famille de plus, il faut satisfaire un Code suranné, un fisc aux cent bouches, une famille égoïste, avare ou haineuse, une hiérarchie de supérieurs tracassiers ou malveillants.

Combien succombent dans cette lutte, qui ne se marieront plus jamais, après avoir passé à côté du bonheur. Dans l’amas des lettres que j’ai reçues à l’appui de mon premier article, je trouve l’histoire d’un jeune homme qui entendit ce mot d’un père : « Une femme en vaut bien une autre ! » Ah vous croyez cela, vieillards ! le jour où vous brisez la vie de votre enfant, vous