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décidément, n’hésita pas. Non seulement il n’alla point chercher ailleurs la belle dot que son père voulait lui faire toucher, mais il renonça même à l’héritage promis : il fit les sommations.

Savez-vous ce qu’il en coûte à un malheureux ouvrier pour faire établir qu’il est majeur à trente ans, et qu’il a le droit de se marier où il aime ? Soixante-quinze francs.

M. D… épuisa ce jour-là ses dernières économies, mais il paya. Il y eut d’abord un mois de luttes, puis un mois de formalités. Sur ces entrefaites, une convocation à passer vingt-huit jours sous l’uniforme vint encore retarder le mariage.

Lorsqu’il fut de retour à Paris, notre mécanicien se crut sauvé. Enfin tous ses actes étaient en règle, les sommations avaient touché : la voie était libre en un mot.

Il se rendit à la mairie avec sa liasse de papiers et exprima timidement le désir de voir les publications affichées le dimanche suivant.

« Monsieur, répondit l’employé avec un gracieux sourire, si vous étiez venu il y a huit jours, c’eût été parfait ; mais ces pièces sont du mois de juin, nous voici le 7 octobre, tous vos actes sont périmés.

— Comment, une seconde fois ?

— Une seconde fois. Veuillez faire refaire tous les actes, ceux de naissance comme ceux de décès, tous les certificats et toutes les légali-