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qu’il n’eut pas le loisir, ou le dessein de présenter au public. Le catalogue de son œuvre sera considérable, mais dès maintenant on peut assurer qu’il sortira des presses. Gourmont a fondé au Mercure de France une véritable école de bibliographie qui ne laissera rien périr de sa pensée.

Dans cette revue qu’il créa jadis avec Alfred Vallette et dont il fut pendant vingt-cinq ans le principal collaborateur, il avait pris pour pseudonyme le nom de Richard de Bury qui composa au quatorzième siècle un excellent traité sur l’amour des livres. C’est toujours à ce mot qu’il faut revenir si l’en veut bien comprendre l’œuvre de Gourmont. L’homme et la bibliothèque sont inséparables. Du plus loin que je me souvienne je n’ai jamais rencontré mon vieil ami autre part que chez les libraires ou devant les boîtes des bouquinistes. Son visage ravagé qui avait pris en vieillissant une certaine beauté d’expression et dont le graveur Vibert a fait une image ressemblante pour l’édition Crès, apparaissait de loin aux habitués des quais, entre le chapeau mou et le cache-nez montant. C’était une physionomie bien connue, assez farouche et triste, altérée par une vie ingrate.

Gilles de Gourmont, sous Louis XII, avait pris cette belle devise : Par sit fortuna labori et il timbrait ses livres aux armes de la famille, qui sont d’argent au croissant de sable. Le grand écrivain qui vient de mourir ne connut jamais fortune