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Ce fut une vie très régulière ; il fit des vers et fréquenta chez les courtisanes. Il y a lieu de croire que ses premiers essais furent dictés par une passion plus rêvée que sentie. Il se créa une idéale amie qu’il nomma Dzénophila, ce qui veut dire chère à Dzeus ou, peut-être, pieuse envers lui. Autour de ce nom, il assembla le cortège ailé des Désirs, la triple splendeur des Charites et tous les dons cythéréens ; mais, si même elle exista, les vers qu’il écrivit pour elle montrent qu’il ne la connut point.

La plus aimée fut sans doute Lykaïnis, pour qui il ne fit que trois épigrammes, et qui le trompa. La mieux chantée, la plus célèbre, est l’éloquente Héliodora.

Héliodora, don de Hélios, s’appelait-elle ainsi pour être née au pays du soleil levant ? Indoue, Perse ou Babylonienne, ou du royaume de Saba ? Il l’aima, il la chanta fidèle et adultère, vivante et morte. Nous savons par lui que sa conversation avait tous les charmes, et son âme toutes les passions. Elle avait pour amies Timo, Timarion, Antikleia, Dorothea, et une juive du peuple que Méléagre avait connue et qui se faisait appeler Dêmô.

Lykaïnis, Héliodora, Dêmô, telles furent les maîtresses de Méléagre à Tyr. Il ne semble pas qu’il en ait eu d’autres, sauf peut-être cette petite Phanion à qui il adressa une pièce très tendre et deux épigrammes précieuses. Mais il nous a laissé quelques distiques isolés, faits pour des courtisanes qui recherchaient sa compagnie et le priaient à dîner. C’est ainsi qu’il a éternisé le souvenir de la charmante Tryphéra de Kallistion, qui aurait dû s’appeler Kallischion, et d’Asklêpias dont les yeux étaient bleus comme la mer tranquille.

Méléagre eut aussi des amis. Comme Anakréon chanta Bathylle, Virgile Alexis, et Shakespeare le jeune comédien qui joua Rosalinde et Juliette. Méléagre aima Myïskos, et d’autres encore. Quand il devint vieux, il quitta la ville.

Il se retira à Kôs, patrie de Dzeus, et fut inscrit comme