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être, ou Leonidas de Tarente ? un de ces poètes charmants que le public ignore et qu’il serait bon de lui révéler.

Non pas ! il a traduit Hamlet, en vers et en prose. Ah ! l’utile travail ! et qu’il était urgent de dire enfin son fait à ce François-Victor Hugo qui avait osé donner du drame anglais une version en langage vulgaire, simplement calquée sur le texte ! M. Théodore Reinach avait trop bien appris ces morceaux choisis à l’usage des classes supérieures où l’on offre à l’admiration de la jeunesse le Gladiateur de Chênedollé et le Songe de Lucrèce de Ponsard. Il savait faire des vers ! il en fit.

D’ailleurs, n’avait-il pas eu à traiter ce beau sujet de dissertation : « Comparez Oreste et Hamlet » ? Certes ! et il avait fait sur ce thème un devoir si bien composé que son professeur lui avait dit : « qu’il serait digne d’être imprimé ». Il l’imprima ; et comme il n’était pas mauvais de lui donner quelque importance, il joignit à sa copie le texte de Hamlet et sa traduction, soit plus de quatre cents pages. Hachette fut l’heureux éditeur de cette collaboration.

M. Théodore Reinach était jeune alors. Depuis, il a eu le loisir de « se perfectionner dans l’étude de l’anglais ».

Mais il m’a lui-même appris qu’on n’a jamais assez de dédain pour une première œuvre d’érudition et je veux profiter d’un si bon enseignement.

La liste des personnages par où son œuvre commence est déjà pleine d’imprévu. On y voit lord Chamberlain traduit par grand chambellan. On y voit aussi Horatio, Bernardo, Francisco, sous la forme de Horace, Bernard et François. Ce dernier trait suffirait à faire dire à tous les shakespeariens : M. Reinach n’est pas des nôtres. Pourtant, ne nous arrêtons pas là : la suite nous réserve d’autres surprises.