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lement je pleurerai, car je sais qu’ils deviendront ce que nous sommes, nous, pauvres Juifs, dispersés un peu partout sans avoir un coin qui nous appartienne. On dit qu’on veut leur prendre l’Asie aussi. Les malheureux !

» Oh ! si vous saviez ce sentiment d’exil que nous portons en nous dès l’enfance et partout où nous passons ! Je ne voudrais pas que les Turcs que j’aime l’éprouvent jamais. Voilà des années que j’ai quitté Constantinople et je croyais avoir oublié. Je ne savais pas que lorsqu’on a vécu parmi les Turcs, on les aime toute sa vie. Je vous supplie d’écrire encore, d’agir ! L’heure presse ! Et merci ! »


Que pourrais-je dire, après ce spontané témoignage, que pourrais-je y ajouter qui ne l’amoindrisse ? Cette lettre fait honneur à la race juive. De la part d’Israël, il serait beau de venir maintenant soulager avec son or les affreuses misères de ce pays, qui a donné à ses fils, pendant les siècles où on les pourchassait de toutes parts, l’hospitalité, la tolérance et la paix.