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contait que, dans les ruines des villages de l’oasis, éventrés par les canons de toutes parts, on ne rencontrait plus, parmi les cadavres, parmi les troupeaux et les chiens de garde affolés, que quelques derniers fanatiques (le mot est une trouvaille : fanatique, on le serait à moins !) qui essayaient encore de tirer contre les envahisseurs ; mais on les capturait et les emmenait sans peine (vers le gibet probablement). Tout cela est stupéfiant d’inconscience. C’est que les reporters de nos journaux vivent dans les camps italiens, et là, ils se laissent influencer par la bonne grâce de l’accueil. De même ces officiers, dont ils sont les hôtes, se grisent chaque jour à l’odeur de la poudre ; dans le fond de leur âme cependant, aux heures de silence, sans doute reconnaissent-ils avec quelque angoisse que l’entreprise est déloyale et que les moyens sont cruels.