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ils firent aussitôt un rond autour de nous, comme toujours lorsque, pendant nos loisirs, nous leur faisons des lectures. J’ai tâché de leur traduire quelques lettres des plus émouvantes que contenait le livre et j’ai vu alors qu’ils pleuraient aussi. L’un d’eux nous dit : « Allah ! Allah ! Pauvres Turcs ! Y a-t-il donc des Chrétiens qui aiment les Turcs ? Et c’est un Français qui écrit cela ? Bravo, Français, qui a su comprendre que nous ne sommes pas des fanatiques barbares, féroces, comme prétendent les chrétiens orthodoxes. » Un autre : « Au lieu de prétendre que les Turcs sont barbares, il vaudrait mieux voir ces lâches Bulgares et alliés qui ont commis tant de crimes. »

Un autre, dans son emportement, s’écria : « Ah ! si j’attrape un Bulgare, je le mangerai tout cru pour venger le sang de nos pauvres victimes. » Mais tout à coup on entendit un cri : « Dour ! » (Arrête), qui semblait venir des profondeurs des ténèbres et se prolongea sinistre bien loin dans la vallée. C’était la senti-