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XXXIII

Extrait d’une lettre que m’écrit un lieutenant de vaisseau français.


Mars 1913.

Si je n’ai pas encore eu la chance de vivre en Orient, j’ai au moins connu un Bulgare. Il était au Borda avec moi et j’avoue ne pouvoir prononcer le mot de barbare sans que quelque chose de lui ne traverse ma mémoire. Et voici le trait qui maintenant se présente ; il nous disait à table : « Moi, j’ai tué mon homme à seize ans, et pas au fusil, au couteau. » La façon dont, dédaigneux des fourchettes, il portait la nourriture à sa bouche était un commentaire ne laissant guère de doute sur sa familiarité avec les instruments tranchants.