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pour la circonstance a cru politique de mettre un nez juif ; elle a été publiée dans un petit journal grec gouvernemental de langue française, fondé pour attirer les Juifs, tous de culture française, à l’hellénisme.

Non, cher maître, les Juifs d’ici n’ont pas renié les Turcs ; ils n’ont pas oublié que, à l’époque où toute la chrétienté, liguée dans une commune pensée de haine, traquait de toutes parts leurs ancêtres errants à travers les mers en quête d’un gîte, le Turc leur ouvrit larges les portes de l’hospitalité. Non, les Juifs de Salonique n’ont pas renié leurs amis les Turcs. Ce petit fonctionnaire grec en a menti. L’attitude des Juifs de Salonique a été héroïque lors de l’entrée des armées grecques dans la ville. Risquant les pires représailles de la part des soldats ivres de leurs victoires, les Juifs, malgré des injonctions directes, refusèrent énergiquement de pavoiser aux couleurs helléniques. Ils observèrent une réserve si digne et si sincèrement attristée qu’ils s’attirèrent,