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gisaient, nus, sur la plage. Nous échangions la remarque qu’ils avaient bien été tués à coups de baïonnettes et par derrière, ainsi qu’on nous l’avait dit. Ces pauvres diables avaient dû fuir dans les rues et être lardés par les bourreaux lancés à leur poursuite. Un comitadji qui nous considérait s’avança alors, et nous dit en ricanant : « Bien sûr, Turc pas valoir une balle ! » L’homme avait un tel air et une telle face de bandit, qu’instinctivement j’ai fouillé ma poche pour y sentir mon revolver.

2o Quelques heures plus tard, dans la ville turque. Les chacals grecs avaient passé par là, et il ne restait plus aucune chose ayant un nom. De loin en loin, des femmes en larmes assises sur des ruines fumantes. Tous les hommes tués ou enfuis. Une très vieille femme turque s’est jetée à nos pieds, pleurant à chaudes larmes, baisant nos mains, etc… Elle racontait une histoire que, en unissant notre sabir, nous ne parvenions pas à saisir. Mais il était visible qu’elle était en proie à une vive