Page:Loti - Turquie agonisante, 1913.djvu/166

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


« Pour nous refouler en Asie, m’écrivait un derviche, tant de crimes n’étaient même pas nécessaires ; nous serions partis de nous-mêmes. Nous aurions quitté, bien entendu, les provinces conquises, plutôt que de rester sous le couteau bulgare, il n’y avait qu’à nous en laisser le temps. N’a-t-on pas vu tous ceux d’entre nous, qui ont pu fuir devant la grande boucherie, affluer sous les murs de Constantinople, et attendre là, résignés, dignes bien que mourant de faim, attendre, des jours et des nuits, qu’il y eût des bateaux pour les passer sur cette rive asiatique d’où sont venus nos pères ? »


Oui, mais ce n’était pas le déblaiement, c’était l’extermination féroce qu’il fallait aux « libérateurs » ! Et cela continue, et cela va continuer encore, tant qu’il restera dans la province d’Andrinople un seul village qui ne soit pas un amas de ruines calcinées avec des cadavres plein les rues. Et toutes les chancelleries le savent de la façon la plus certaine, et, toutes, elles gardent le silence,