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LE ROMAN D’UN ENFANT

par rien, aussi majestueux qu’à la côte saharienne, y déroulent, sur des lieues de longueur, avec de grands bruits, leur tristes volutes blanches. Région âpre, avec des espaces déserts ; région de sables, où de tout petits arbres, des chênes-verts nains s’aplatissent à l’abri des dunes. Une flore spéciale, étrange et, tout l’été, une profusion d’œillets roses qui embaument. Deux ou trois villages seulement, séparés par des solitudes ; villages aux maisonnettes basses, aussi blanches de chaux que des kasbah d’Algérie et entourées de certaines espèces de fleurs qui peuvent résister au vent marin. Des pêcheurs bruns y habitent : race vaillante et honnête, restée très primitive à l’époque dont je parle, car jamais baigneurs n’étaient venus dans ces parages.

Sur un vieux cahier oublié, où ma sœur avait écrit (à ma manière absolument) ses impressions de cet été-là, je trouve ce portrait de notre logis :

C’était au milieu du village, sur la place, chez M. le maire.

Car la maison de M. le maire avait deux ailes, bien étendues sans mesurer l’espace.

Elle éclatait au soleil, éblouissante de chaux ; ses contrevents massifs, tenus par des gros crochets de fer, étaient peints en vert foncé suivant l’usage de l’île. Un parterre était planté en guirlande tout alentour, pous-