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LE ROMAN D’UN ENFANT

semblait tout à fait grande. Autour de moi, on souriait à cela, et sans doute on trouvait, puisque je le désirais, que c’était bien.

Le soir, la nuit surtout, je songeais constamment à cet après, qui se nommait de ce nom déjà plein de terreurs : l’éternité. Et mon départ de ce monde, — de ce monde à peine vu pourtant, et rien que dans un de ses petits recoins les plus incolores, — me paraissait une chose très prochaine. Avec un mélange d’impatience et d’effroi mortel, je me représentais, pour bientôt, une vie en resplendissante robe blanche, à la grande lumière radieuse, assis avec des multitudes d’anges et d’élus, autour du « trône de l’Agneau », en un cercle immense et instable qui oscillerait lentement, continuellement, à donner le vertige, au son des musiques, dans le vide infini du ciel…