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LXXVIII


Ceci est un rêve qui date du quatorzème mois de mai de ma vie. Il me vint par une de ces nuits tièdes et douces qui succèdent à de longs crépuscules délicieux.

Dans ma chambre d’enfant, je m’étais endormi au son lointain de ces airs de danse ronde que chantent les matelots et les petites filles autour des « bouquets de Mai », dans les rues. Jusqu’à l’instant du sommeil profond, j’avais écouté ces très vieux refrains de France que ces gens du peuple redisaient là-bas à voix pleine et libre, et qui m’arrivaient assourdis, fondus, poétisés, à travers du tranquille silence ; j’avais été bercé un peu étrangement par le bruit de ces gaietés de vivre, de ces débordantes joies, comme en ont, pendant leur jeunesse très