Page:Loti - Roman d’un enfant, éd. 1895.djvu/255

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
241
LE ROMAN D’UN ENFANT

à l’automne prochain, allait nous revenir ; ce serait bientôt comme s’il ne nous avait jamais quittés.

Et quelle joie, sans doute, que ces retours ! Et quel prestige environnait ceux qui arrivaient de si loin !

Le lendemain, chez Jeanne, dans sa cour, je regardais déballer d’énormes caisses en bois des pays étrangers ; quelques-unes étaient recouvertes de toiles goudronnées, débris de voiles sans doute, qui sentaient la bonne odeur des navires et de la mer ; deux matelots à large col bleu s’empressaient à déclouer, à découdre ; et ils retiraient de là dedans des objets d’apparence inconnue qui avaient des senteurs de « colonies » ; des nattes, des gargoulettes, des potiches ; même des cocos et d’autres fruits de là-bas…

Le vieux grand-père de Jeanne, ancien marin lui aussi, était à côté de moi, surveillant du coin de l’œil ce déballage, et tout à coup, d’entre des planches que l’on séparait à coups de masse, nous vîmes s’échapper de vilaines petites bêtes brunes, empressées, sur lesquelles les deux matelots sautèrent à pieds joints pour les tuer :

— Des cancrelats, n’est-ce pas, commandant ? demandai-je au grand-père.