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LE ROMAN D’UN ENFANT

détour par les remparts tranquilles, d’où l’on voyait les villages et un peu des lointains de la campagne.

Je travaillais avec moins de zèle que jamais, ce printemps-là ; le beau temps qu’il faisait dehors me mettait la tête à l’envers.

Et une des parties où j’étais le plus nul était assurément la narration française ; je rendais généralement le simple « canevas » sans avoir trouvé la moindre « broderie » pour l’orner. Dans la classe, il y en avait un qui était l’aigle du genre et dont on lisait toujours à haute voix les élucubrations. Oh ! tout ce qu’il glissait là dedans de jolies choses ! (Il est devenu, dans un village de manufactures, le plus prosaïque des petits huissiers.) Un jour que le sujet proposé était : « Un naufrage », il avait trouvé des accents d’un lyrisme !… et j’avais donné, moi, une feuille blanche avec le titre et ma signature. Non, je ne pouvais pas me décider à développer les sujets du Grand-Singe : une espèce de pudeur instinctive m’empêchait d’écrire les banalités courantes, et quant à mettre des choses de mon cru, l’idée qu’elles seraient lues, épluchées par ce croquemitaine, m’arrêtait net.

Cependant j’aimais déjà écrire, mais pour moi tout seul par exemple, et en m’entourant d’un mystère inviolable. Pas dans le bureau de ma