Vers mes dix-sept ans, après de terribles revers — à une époque tourmentée que ce récit n’embrassera pas, mais dont je puis bien parler puisque j’ai déjà tant de fois, dans de précédents chapitres, empiété sur l’avenir — il m’a fallu, pendant quelques mois envisager la terreur de me séparer de cette maison familiale et de ce qu’elle contenait de si précieux ; alors, dans les moments où je me mettais à passer en revue, avec un recueillement funèbre, tous les souvenirs qui allaient m’être arrachés, une de mes cruelles angoisses était de me dire : « Jamais plus je ne reverrai l’antichambre où était cette chiffonnière, jamais plus je ne pourrai apporter à maman ces chers tiroirs… »
Et sa corbeille à ouvrage, toujours celle d’autrefois, que je l’ai priée de ne jamais changer, même malgré un peu d’usure, — et les différents petits bibelots qui s’y trouvent, étuis, boîtes pour les aiguilles, écrous pour tenir les broderies ! — L’idée que je pourrai connaître un temps où les mains bien aimées qui touchent journellement ces choses ne les toucheront jamais plus, m’est une épouvante horrible contre laquelle je ne me sens aucun courage. Tant que je vivrai, évidemment, on conservera tout tel quel, dans une tranquillité de reliques ; mais après, à qui écherra cet héritage qu’on