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LE ROMAN D’UN ENFANT

chez eux une sorte de pitié et d’hostilité vis-à-vis de moi, que je leur rendais en dédain, sentant combien ils auraient été incapables de me suivre dans certaines envolées de mon imagination.

Avec les petits paysans des montagnes ou les petits pêcheurs de l’île je n’avais jamais été fier ; nous nous entendions par des côtés communs de simplicité un peu primitive et d’extrême enfantillage ; à l’occasion, j’avais joué avec eux comme avec des égaux. Tandis que j’étais fier avec ces enfants du collège, qui, eux, me trouvaient bizarre et poseur. Il m’a fallu bien des années pour corriger cet orgueil, pour redevenir simplement quelqu’un comme tout le monde ; surtout pour comprendre qu’on n’est pas au-dessus de ses semblables, parce que — pour son propre malheur — on est prince et magicien dans le domaine du rêve…