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LE ROMAN D’UN ENFANT

dans les bois effeuillés, dans les vignes roussies !

Au milieu d’un flot d’enfants qui parlaient tous à la fois, je pénétrai dans ce lieu de souffrance. Ma première impression fut toute d’étonnement et de dégoût, devant la laideur des murs barbouillés d’encre, et devant les vieux bancs de bois luisants, usés, tailladés à coups de canif, où l’on sentait que tant d’écoliers avaient souffert. Sans me connaître, ils me tutoyaient, mes nouveaux compagnons, avec des airs protecteurs ou même narquois ; moi, je les dévisageais timidement, les trouvant effrontés et, pour la plupart, fort mal tenus.

J’avais douze ans et demi, et j’entrais en troisième ; mon professeur particulier avait déclaré que j’étais de force à suivre, si je voulais, bien que mon petit savoir fût très inégal. On composait ce premier jour, en version latine, pour le classement d’entrée, et je me rappelle que mon père m’attendait lui-même assez anxieusement à la sortie de cette séance d’essai. Je lui répondis que j’étais second sur une quinzaine, étonné qu’il parut attacher tant d’importance à une chose qui m’intéressait si peu. Ça m’était bien égal à moi ! Navré comme j’étais, en quoi ce détail pouvait-il m’atteindre ?

Plus tard, du reste, je n’ai pas connu davantage l’émulation. Être dernier m’a toujours paru le