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LE ROMAN D’UN ENFANT

cette illusion, même incomplète, me ravissait ainsi. Cependant, les tapis de fougères rares étaient bien là ; dans la nuit plus épaisse, presque à tâtons, j’en cueillais, en me disant : « Au moins ces plantes, elles doivent être réelles après tout, puisque je les touche, puisque je les ai dans ma main ; elles ne pourront pas s’envoler quand mon rêve s’évanouira. » Et je les serrais de toutes mes forces, pour être plus sûr de les retenir…

Je me réveillai. Le beau jour d’été se levait ; dans le village, les bruits de la vie étaient commencés : le continuel jacassement des poules, déjà en promenade par les rues, et le va-et-vient du métier des tisserands, me rendant du premier coup la notion du lieu où j’étais. Ma main vide restait encore fermée, crispée, les ongles presque marqués sur la chair, pour mieux garder l’imaginaire bouquet de Fataüa, l’impalpable rien du rêve…